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Passion Lyre
14 juin 2015

"Le veilleur de Matera" Serge Airoldi

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Je vais vous présenter aujourd'hui un vrai coup de coeur pour un style, une écriture, une émotion, une personnalité.... Il s'agit de Serge Airoldi pour son "Veilleur de Matera", édité par "La fosse aux ours".

Extrait : " Un jour, il y eut un sens, et un autre, il n'y en eut plus, c'est la loi. Les ères passent, l'herbe perce les couches de glaises, grandit, verdit, se fane, l'herbe est toujours la même, la terre aussi connait les cycles, les bestiaux, les mouflons, les tourterelles de Tasmanie, les saisons, certaines buttes qui n'en étaient pas.Un jour, ces buttes poussent et à leur sommet naissent des châteaux, de la folle avoine, les châteaux passent aussi, les échauguettess'écroulent, les mâchicoulis ne protègent plus les communautés. Alors les Maures, les Vandales, les fils du Khan peuvent déferler. Soudain, le jour n'est plus, les soupes fument sans nez pour les renifler, elles fument dans le vide, les vaches meuglent à l'enclos, le lait monte au pis, les couteaux ont ouvert les gorges et les ventres, les poules picorent, le soleil mordille les hommes morts, il n'y a plus que femmes affolées et enfants muets. Un jour, les guerriers, les révolutions, les combats, les séismes brutalisèrent l'ordre des strates. Dns le mélange des terres, nous ne savons plus exactement où les guerriers succombèrent, où leurs chevaux reposent et où pourrirent les milans noirs qui gobèrent leurs yeux pleins de rage et d'honneur. Désormais, nul ne sait plus où les oiseaux prennent leur envol, se posent, migrent ensemble, il existe bien des indices, des pays de départ et d'arrivée, des Russie, des Lettonie, des Estonie, des Grands Nord et aussi des Grands Sud, des Mali, des Casamande, des Asturies. Mais que savons nous vraiment de mieux, de clair, que savons nous des oiseaux, du spectacle qu'ils voient ? Du pied des falaises, dans le roulis, nous ne devinons que le poitrail des albatros, devant les buttes nous ne voyons que la silhouette des châteaux en ruine qui sont nos temples. Nous imaginons les cieux, les abysses, l'enfer, l'éden, ce ne sont que des endroits, des spéculations. Nous sommes crédules, ces endroits ne sont pas les cieux, les abysses, l'enfer, l'eden, ce ne sont que des lieux à conquérir et à inventer, il faut les regarder, s'y sentir bien comme dans les bras d'une mère, il faut maintenant oser s'installer dans ces paysages, oser le voyage, en faire une littérature, et alors peut-être existent ils pour que nous existions aussi.

Sinon, la mémoire s'enlise."

Mon commentaire : Serge Airoldi écrit comme il pense et parle comme il écrit. Dès les premiers mots, j'ai eu l'impressionde l'avoir devant moi, racontant son amour des gens, d'une terre, d'un soleil particulier, comme un peintre des mots qui par de fines touches de couleurs douces, parfois éclatantes ou acérées, esquisse des tranches de vie aux contours indéfinis...Je le classe parmi les poètes qui vous ouvrent les yeux non par un combat, une survie désepérée mais très humblement par son amour et son appétit de vivre...

Belle lecture à tous

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