Trencadis - Caroline Deyns

Je vais vous présenter aujourd'hui "Trencadis" de Caroline Deyns, publié chez Quidam, magnifique maison à la ligne éditoriale inépuisable : "l'insolite, le singulier. Des auteurs plutôt que des livres ..."

Quatrième de couverture : «Je montrerai tout. Mon coeur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine -amour - rire - peur - tendresse.»
Niki hait l'arête, la ligne droite, la symétrie. A l'inverse, l'ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu'elle retient : une mosaïque d'éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple.
Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l'unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?
«J'aime l'imaginaire comme un moine peut aimer Dieu.»

Mon commentaire : Nikki de Saint-Phalle est une plasticienne du XXème siècle, peintre, sculptrice, réalisatrice de films franco-américains, connue pour ses nanas, ses compositions protéiformes, ses kaléidoscopes de couleurs et de matières. Mais peut on la résumer en ces quelques mots ? Caroline Deyns a réussi cet étonnant exercice d'écriture de rendre, par un assemblage particulier, toute la personnalité fragmentée de Nikki de Saint-Phalle, visible. Marquée par une tragédie dans son enfance, l'artiste tente de construire un univers équilibré dans la destructuration, dans une quête d'un graal aux contours flous et mouvants. J'ai aimé les mots de Caroline Deyns, puissants, foisonnants, déconstruits, qui jamais ne laissent l'esprit s'apaiser, à l'image de cette âme errante, furieusement créatrice pour se sentir vivante.

"Mes cercles ne sont jamais tout à fait ronds. C'est un choix, la perfection est froide. L'imperfection donne la vie. J'aime la vie".

Belle lecture à tous ...