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Passion Lyre
15 septembre 2015

"Les enfants de Maastricht" Charles-Henri d'Elloy

C’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Nous sommes en l’an de grâce 1992, très précisément le 20 septembre 1992. La France est suspendue au résultat du référendum : il s’agit de dire  « oui » ou « non » au texte du traité sur l’Union européenne. La campagne a été âpre pour les deux camps et les Français se sont passionnés pour le sujet. D’ailleurs, il y eut presque 70% de participation  (69,7%), ce qui, pour un référendum, est un taux important. Malgré un texte indigeste qui rebutait toute tentative exégétique, les Français ont senti d’instinct l’enjeu de ce référendum. Pour résumer, ce texte était une loi supranationale s’imposant à tous les pays de l’Union européenne ; une sorte de constitution pour l’Europe politique.  La France était partagée, et quand je dis partagée, c’est vraiment le terme. D’un côté il y avait les tenants du « non » qui étaient vus comme des ploucs, des galfâtres attardés, autant dire des franchouillards indécrottables. De l’autre côté, il y avait les partisans du « oui », l’élite des médias et des affaires, la France d’en haut. Ces derniers nous promettaient un cataclysme en cas de victoire du « non », et des lendemains heureux si le « oui » l’emportait…  Du travail à foison,  une Europe puissante, moins d’impôt et une montre Rolex pour tous à 50 ans…. Bref, un début de paradis sur Terre.

Étant donné mon naturel méfiant, bougon, et mon côté péquenaud cocardier, je trouvais la mariée trop belle et j’avais le sentiment que les politiciens partisans du « oui » souhaitaient  porter leur incurie nationale au niveau international. J’avoue lamentablement avoir fait partie des 48,56% de pauvres types ayant voté « non » à ce référendum. Il n’y avait rien de bon qui vaille, ne serait-ce que les dizaines de pages absconses du traité.

Il est 20h00, l’angoisse est à son comble, le résultat est au coude à coude pour se terminer en fin de soirée par la victoire du « oui » à 51,04 %.

Au même moment, Manon venait au monde.

Vingt-trois ans plus tard, qu’en est-il de la France de Maastricht ? Elle est devenue un pays qui n’est plus maître de son destin, sous la tutelle d’une administration anonyme située à l’étranger ; un pays qui, bien loin de s’être renforcé avec ses partenaires voisins, est fondu dans un continent incapable de se protéger des crises financières,  sujet aux guerres économiques, perméable à toutes les concurrences marchandes du monde entier, envahi de produits parfois dangereux venus d’Extrême-Orient, un pays dont le système d’enseignement laisse des dizaines de milliers de jeunes sur le carreau. Il me semblait pourtant que la si belle Europe promise par le traité de Maastricht allait faire de nous une puissance redoutée dans une Europe conquérante !  Je constate qu’il n’en est rien. L’Europe n’est plus prise au sérieux sur la scène internationale et la France sombre. Elle est belle l’Europe promise pour les enfants de Maastricht : une Europe qui ne réussit même pas à harmoniser la fiscalité des États membres, qui est incapable de protéger ses côtes et ses ressortissants. Une Europe ouverte à tous les vents, perméable aux guerres, inféodée aux États-Unis d’Amérique et qui renie son prochain : la grande Russie !

Malgré tout, Manon, douée pour les études, obtient de brillants diplômes de l’enseignement supérieur.

Mais en 2015, la France n’est toujours pas débarrassée de la pensée dominante des vieux soixante-huitards biberonnés au lait du nihilisme, du trotskisme, du tiers-mondisme convertis au capitalisme et à la finance sans frontière. À soixante-cinq et soixante-dix ans passés, en politique ou dans la presse, ils s’accrochent à leurs prébendes ; ils règnent encore, hélas, sur le petit monde snobinard de la prétendue culture mélangé à celui des affairistes. Ils sont encore là, les Cohn-Bendit, les Serge July, les Jacques Attali, les Alain Minc, les Guy Bedos et les Jacques Séguéla… Bien assis dans leur  confortable fauteuil  à asséner leurs leçons. Ne lançaient-ils pas « place aux jeunes » en 68 à l’adresse de leurs aînés ? 

 Pendant ce temps, les enfants de Maastricht, à Bac + 4 se retrouvent serveurs chez Mac-Do, quand ils ne sont pas chômeurs, comme un jeune sur quatre entre dix-huit et vingt-cinq ans ! Manon, comme beaucoup de ses jeunes compatriotes, pense sérieusement à s’expatrier.

Ils ont bonne mine tous les chantres de l’Europe sans frontière… les encenseurs de Schengen, les Giscard, les Mitterrand (paix à son âme), les Chirac, les Sarkozy et les Hollande !  Qu’ont-ils offert à la jeunesse de leur pays ? Une France fracturée en communautés, une société  dont on  casse les boucliers protecteurs que  sont la famille et la nation. Une France dont la qualité de l’instruction décline. Une France qui ne force plus le respect.

C’est magnifique, une France où 150.000 jeunes décrochent chaque année du système scolaire. C’est beau un pays qui confisque ses plages à ses ressortissants pour le bon plaisir d’un roi bédouin !  On peut être fier d’être Français !

Vingt-trois ans après Maastricht, elle est belle leur Europe ! Elle ressemble à  une usine à gaz faite de technocrates lointains au service des banques. Un énorme monstre flasque à plat ventre devant l’oncle Sam dans lequel les nations se sont empêtrées jusqu’au cou.  Il faut avoir le moral quand on est enfant de Maastricht et que l’on s’entend dire par un barbon publicitaire que l’on aura raté sa vie si l’on n’a pas de montre Rolex à cinquante ans ! D’ailleurs, moi qui vient d’atteindre le demi-siècle,  je n’ai toujours pas cette montre, mais j’ai gagné le droit à un touché rectal gratos, offert par la Caisse Primaire d’Assurance maladie. Il ne faut pas désespérer, il y a encore des domaines qui fonctionnent dans notre belle France ! Mais, que les enfants de Maastricht ne s’y trompent pas, la Sécurité Sociale ne sera pas capable de leur donner une aussi grasse retraite que celle dont bénéficient les soixante-huitards aujourd’hui. Certains sont nés au bon moment et cumulent les avantages, c’est ainsi…  Mais ils n’étaient pas obligés d’obérer la vie de leur descendance.

Manon aura cinquante ans en 2042, elle se souviendra que dans sa petite enfance, on comptait encore en francs, et que « franc » cela signifie « libre » ! Comme tous les enfants de Maastricht, elle apprend beaucoup par internet, et Dieu merci, elle est curieuse et consulte les auteurs du passé. Elle ne se contente pas du médiocre enseignement culpabilisateur dispensé par la télévision.  Manon travaille assidûment car consciente que c’est l’excellence qui lui donnera les meilleures chances d’avoir une vie décente. La génération soixante-huit prétendait incarner la paix et l’amour, elle n’a semé que désordre, appauvrissement et violence. Il paraît que les enfants de Maastricht sont désabusés, peut-être hélas, mais ce qui est vraisemblable, c’est qu’ils ne se laisseront pas abuser par des politicards thaumaturges. Ils savent que l’angélisme ne fait pas le paradis sur Terre.

Je ne suis pas encore atteint  de géronto-crétinisme et j’éviterai de penser que la génération qui vient est forcément moins bien que la précédente, car par un miracle dont les Français ont le secret, il subsiste encore de jeunes patriotes instruits, bien qu’enfants de Maastricht, qui ne se résignent pas à voir disparaître leur nation. L’esprit rebelle et l’Espérance au cœur, ils sont prêts à casser les barreaux du système dont nous sommes prisonniers. Manon est de ceux-là et finalement, elle ne quittera pas la France. Elle aime son pays et y est attachée. Le patriotisme n’est plus ringard. Avec Romain, Julia, Raoul, Alizée, Julien, Pierre-Edouard, Léopoldine, Estelle, Louis et beaucoup d’autres, ils ont compris qu’il existe des valeurs immuables ; que la famille  et la nation sont les meilleures protections contre les vicissitudes ; que l’instruction, le travail, l’ordre et la transmission de la culture sont les plus robustes remparts contre le déclin. Ils se rendent compte qu’il n’y a pas de souveraineté sans puissance, de liberté sans imposer le respect. Ils sont conscients que la vie ne se résume pas à manger cinq fruits et légumes par jour. Ils sont fiers d’être dépositaires d’une civilisation dont ils se réclament. Ils lisent encore Joseph de Maistre, Chateaubriand, Léon Bloy, Charles Péguy,  Charles Maurras et savent que le désespoir en politique est une sottise. Ils ont compris que derrière le multiculturalisme  se dissimule la dissolution de leur culture et que l’Histoire n’a qu’un sens, celui qu’ils lui donneront. Ils savent que c’est la politique qui prime sur l’économie parce que tout est affaire de volonté. Bien davantage qu’un continent, c’est une civilisation qu’ils veulent défendre. Ils pensent, comme Henri Bergson que l’avenir, ce n’est pas ce qui va arriver mais ce qu’ils feront. Ils ne veulent pas subir… Allons, tout n’est pas perdu !

C.H. d’ELLOY - 15  Septembre 2015 -

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