L'homme fatigué - Jean-Jacques Erbstein
Je viens de refermer "L'homme fatigué" de Jean-Jacques Erbstein, publié aux éditions Feuillage. Les derniers mots sont une révélation et façonnent le tout : "No pasaran", cri de ralliement des républicains espagnols en 1936 et plus largement, cri de liberté universel, symbole de la résistance antifasciste.
Eclair fulgurant ... Je remonte l'histoire avec cette idée force comme compagne : ils n'auront pas ma liberté. L'auteur nous entraine dans la folie des hommes du XXème siècle sur les pas d'André qui a survécu et qui s'est construit sur les cendres d'un monde parfois apocalyptique. " ... Rescapé d'Auschwitz, devenu journaliste de guerre et témoin de son temps, l'homme fatigué va croiser Jean-Pierre Pedrazzini, Simone Veil, Léon Blum, la Dame d'Izieu, Cocteau, Malraux, Barbara, Colette, Rachmaninov, Serge Klarsfeld, JFK et Moshe Dayan...De la Rafle du Vel'd'Hiv à la guerre des 6 jours, en passant par l'insurrection de Budapest en 1956, il partira à la recherche des images de son passé."
Jean-Jacques Erbstein dessine avec une plume ciselée les liens inextricables entre les histoires individuelles et l'Histoire de l'humanité, soulignant l'horreur collective, la lâcheté des grands et le courage des humbles. Ce roman-témoignage, extrèmement bien documenté, va bien au-delà d'un simple récit aux contours géopolitiques. L'auteur écrit un manifeste vibrant contre l'inertie mémorielle et pose les questions existentielles que tout homme responsable doit affronter, dont l'ultime, celle de sa propre finitude.
Extrait : " Dans un coin du hall, Antonia pleure toujours doucement. Trempée jusqu'à l'âme. Le sang de l'enfant macule à jamais ses paumes. Elle est accroupie à même le sol. Recroquevillée autour de sa détresse. A quoi bon vouloir soigner les hommes quand un enfant peut mourir aussi vite qu'une rafale de mitrailleuse ? Pourquoi les enfants ? Simplement et évidemment parceque la guerre a tous les droits. Même les plus extrêmes. Mais alors, comment combattre la guerre sans que les enfants meurent ?"
Je sais que certains ont pleuré sur ces mots choisis et construits pour dire une vérité insoutenable. Je n'ai pas pleuré. J'ai été portée par ce souffle incroyable qui transcende le résistant face à l'inhumain : ils n'auront pas ma liberté.
Belle lecture à tous ...